Newsletter Avril 2018
Comme chaque année, le mois d’Avril voit défiler le monde du vin à Bordeaux à l’occasion de la dégustation du dernier millésime, quelques semaines avant sa mise en vente en Primeurs.
Cette année était intéressante à plusieurs titres. La qualité d’un millésime 2017 violemment frappé par le gel sera-t-elle au rendez-vous ? Dans quelle mesure les volumes seront impactés ? Y a-t-il encore un engouement pour les primeurs ?
Nous allons essayer de répondre à ces interrogations et, bien-sûr, nous en profiterons pour faire un point sur votre investissement.
1- La sortie du millésime 2017, à Bordeaux :
Encore quelques semaines, voire quelques jours à attendre avant le début de la campagne de ventes en primeurs des vins du nouveau millésime à Bordeaux.
L’ensemble des acteurs du marché des grands vins est impatient de connaitre la tendance des prix de sortie d’un millésime qui a beaucoup souffert du gel à la fin Avril 2017.
Globalement, les volumes produits sont les plus faibles depuis 26 ans et le triste millésime 1991. Le premier graphique ci-après compare ces volumes sur les 20 dernières années, et met en évidence une production d’environ 350 millions de litres, alors que la moyenne depuis 1996 se situe plutôt à 500 millions, soit une récolte réduite d’environ 1/3 sur l’ensemble du vignoble.
L’analyse plus fine de ces rendements montre cependant que toutes les appellations ne sont pas touchées. En effet, le diagramme ci-contre nous permet de voir que, si la rive droite de la Dordogne (Pomerol et surtout Saint-Emilion) a largement souffert, seules Pessac-Léognan et Margaux ont été réellement touchées (et dans une moindre mesure) sur la rive gauche de la Garonne.
Plus au nord, Pauillac, Saint-Estèphe et Saint-Julien affichent, au contraire, une récolte très généreuse.
Hélas, l’Entre-Deux-Mer, et les appellations « satellites » de Saint-Emilion et de Pomerol, ainsi que la majorité des Côte de Bordeaux ont été beaucoup plus sévèrement atteintes, tout comme les Crus Bourgeois du centre du Médoc (à Listrac ou à Moulis par exemple). 2
En revanche, les Grands Crus classés ont presque tous été épargnés, y compris dans les appellations sensibles comme Margaux, Pessac, Saint-Emilion ou Pomerol.
Nous en arrivons alors à la qualité des vins produits. Inévitablement, le résultat est hétérogène avec des vins à l’équilibre très fragile dans les zones où les producteurs ont dû choisir entre quelques parcelles de vignes épargnées, et des vins magnifiques pour l’essentiel des meilleurs terroirs, largement préservés.
Malgré tout, la campagne « Primeurs 2017 » ne laisse pas beaucoup d’espoir quant à l’activité qu’elle va générer. La vente des Bordeaux en primeurs ne suscite plus autant d’engouement qu’auparavant, en particulier depuis la frénésie d’achats qui s’était emparée du marché pour les millésimes 2009 et surtout 2010, sorti très cher et qui s’est avéré plus difficile à revendre par la suite.
Le graphique ci-après (P.2), qui fait ressortir le niveau des ventes enregistrées par les membres du Liv-Ex au cours des 7 dernières campagnes primeurs (en M£), démontre la difficulté que des millésimes, pourtant de qualité exceptionnelle, comme 2015 et 2016 ont eu pour susciter la demande.
Au-delà de ce phénomène, le marché s’est désormais exclusivement concentré sur ses 30 meilleures étiquettes, alors qu’on pouvait en compter presque 200 actives sur des millésimes porteurs comme 2000, 2003, 2005 ou 2009.
Enfin, la retraite du leader d’opinion Robert Parker laisse le « champ libre », mais son successeur tarde à émerger. Les acheteurs semblent perturbés par l’absence de « guide » et, ne sachant pas encore à qui se fier, ont tendance à limiter leurs achats.
En conséquence de tout cela, on observe une réduction progressive des volumes mis en vente par les châteaux bordelais qui tendent à en conserver une part de plus en plus grande en stock, afin de les céder progressivement, quelques années plus tard, lorsque le cours aura progressé.
En effet, les producteurs qui organisent ainsi une pénurie relative comptent sur cette disponibilité limitée pour améliorer leurs marges futures.
2- Les évolutions observées sur les vins livrables :
Pendant ce temps, les vins de Bordeaux restent les principaux garants de la liquidité du marché, avec plus de 50% des vins échangés sur le liv-Ex la première semaine d’avril (cf. tableau ci-dessous), et plus de 60% en moyenne sur l’année.
Mais il ne faut pas oublier toutefois que cette part s’élevait encore à presque 95% en 2011, avec près de 55% pour les seuls Premiers Crus Classés (cf. courbe suivante).
Par ailleurs, cette baisse de l’influence des Bordeaux ne se remarque pas uniquement dans les transactions quotidiennes.
En effet, les performances de la région n’ont pas été aussi bonnes que celles de la Bourgogne, dont l’indice régional Burgundy 150 a battu son record en 2017 en progressant de 23% pendant que l’indice Bordeaux 500 ne progressait que de 7%…
Ce constat sur les grands vins de Bordeaux est particulièrement vrai pour leurs locomotives, les premiers crus classés, dont l’influence est en baisse constante depuis 2010 et l’accélération de la loi anti-corruption en Chine (cf. courbe précédente). 3
Depuis, la performance financière s’est améliorée, mais leur évolution tarifaire ne se fait pas toujours au même rythme, comme le montre la courbe ci-dessus. La comparaison de ces performances récentes est toujours instructive.
Elle fait ici ressortir un retard du Château Latour (violet) et, dans une moindre mesure, du Château Margaux (bleu) dans les progressions observées sur le marché ces 4 dernières années. Nous avions remarqué un retard analogue pour Mouton Rothschild (orange) et Haut-Brion (vert) au début des années 2010, et nous voyons sur cette courbe les performances respectives qui en découlent…
D’une manière plus générale, l’indice le plus large, le Liv-Ex 1000 a progressé de 9% sur les 12 derniers mois, tandis que l’indice « phare », le Liv-Ex 100 s’est contenté d’une hausse de 2%, malgré une correction de -0.5% sur le premier trimestre 2018. Mais, comme vous le savez maintenant, ces progressions sont calculées en Sterling et, depuis 3 ans environ, on constate un impact important de la fluctuation des cours de change sur les calculs de performance. Ainsi, la performance en euro serait en léger recul, tant sur 3 que sur 12 mois.
La courbe ci-dessous résume l’évolution du Liv-Ex 100 sur 14 ans, en Sterling, en Dollar et en Euro, en fonction des principaux évènements qui ont pu avoir une influence sur les cours des grands vins.
On y voit que les grandes tendances du marché se suivent quelle que soit la devise jusqu’en 2014, puis divergent fortement depuis le Brexit en Juin 2016. Depuis, la performance de l’indice est bien meilleure en Sterling et en Dollar qu’en Euro.
H.L